Mon hommage à Samuel Paty

MON HOMMAGE A SAMUEL PATY

 

 

 

 

Le lundi matin, j’eus deux heures de cours avec une classe de quatrième qui, las !... se comporta mal.

Il était question de rendre hommage à Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie décapité au couteau par un islamiste, pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression.

On nous avait lâchement recommandé de lire un texte de Jean Jaurès à notre classe, sur les mérites des instituteurs, juste au dernier moment : cinq minutes avant la sonnerie du cours, je fus mise au courant de cette nouvelle donne et, faute de pouvoir obtenir une photocopie, dut me résoudre à lire la Lettre sur mon téléphone portable. Ca commençait bien !... Moi qui, sur les recommandations du principal, avait seulement pris des notes sur l’hommage national et la liberté d’expression !

Je me servis de ces notes ; ce fut pour faire une prestation médiocre, dans le bruit des élèves. Quand je dis : « le journal Charlie Hebdo, qui se moque de toutes les religions », un élève devant moi s’exclama : « Ils se moquent des religions ? Ils méritent d’être tués, alors ! »

Je le repris. Ils avaient justement été tués, les dessinateurs, et il y avait un procès à l’heure actuelle du fait de ce meurtre. La liberté d’expression a justement ses limites, qui sont l’interdiction de l’appel au meurtre, à la haine et au terrorisme. Mais, je ne pense pas avoir été entendue.

« Se moquer des religions ! recommença l’élève. Se moquer de la taille de quelqu’un, de sa couleur de peau…

-Il a été irrespectueux envers les musulmans, ce professeur ! » intervint une autre élève derrière, particulièrement bavarde. 

Impossible de hausser la voix et de placer des arguments. Une élève au fond de la classe me rétorqua que ces propos tenus en cours relevaient aussi de la liberté d’expression. Elle semblait vouloir se poser en rivalité avec moi.

Il y eut la minute de silence. Le premier élève perturbateur ne cessa de tousser ostensiblement puis me demanda : « Vous avez un mouchoir, madame ? », provoquant les rires de plusieurs de ses camarades.

Bizarrement, ce fut après cette minute de silence que le dialogue put se nouer. L’élève qui avait argué du manque de respect de Samuel Paty pour les musulmans me demanda :

« Mais en fait, on ne sait pas trop ce qui s’est passé. C’est quoi cette histoire ? »

Accompagnée de plusieurs élèves, j’expliquai dans quel contexte le professeur défunt avait montré les caricatures, en y mettant les nuances. Je mis un mot sur le carnet du premier élève à avoir poussé la provocation.

« Je m’en moque, il n’y a aucun souci, au moins c’est clair, répondit celui-ci. J’ai dit ce que je pense. Ils ont été irrespectueux envers la religion, ils ont ce qu’ils méritent… Dans mon pays, il y a un génocide, dix-huit mille morts, vous n’en parlez jamais, tandis que dès que vous avez un mort, vous en faites tout un plat ».

J’en référai au principal, qui me demanda d’écrire un rapport.

Le lendemain, pour suivre les conseils de ma chère psychologue, je demandai à l’élève si son pays était le Congo et s’il pouvait, lui, nous en parler. En faisant, je le lui proposai, un exposé sur un écrivain congolais. Il refusa. Il s’excusa aussi pour son attitude de la veille.

J’avoue avoir beaucoup de mal avec ces façades puritaines et coincées qui s’affichent dès qu’il est question de rire des religions. Cela relève d’un manque d’humour et peut-être, d’une paralysie de l’intelligence. Le rire de Charlie Hebdo est parfois si roboratif, si plein de vie, qu’on ne peut s’empêcher de l’aimer pour ce qu’il met à mal de prisons, et on souhaiterait qu’il en soit ainsi pour toutes les idéologies qui font la mode.

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