AMELIE NOTHOMB, REVUE

AMELIE NOTHOMB, REVUE

 

 

 

Comme j’avais envoyé La Boite à révolutions à mon écrivain préféré, Amélie Nothomb, elle me répondit par une lettre brève et un petit carton m’invitant à sa prochaine séance de dédicaces. Je n’avais pas rencontré l’auteure depuis cinq ans et j’eus envie de la revoir…

Jeudi 08 septembre, j’arrivai avec une heure d’avance à la librairie Albin Michel où elle signait ses livres ; il y avait déjà devant moi une foule conséquente.

Le temps s’étira, mais je pus parler avec quelques personnes dans la file.

Il était vingt heures quand j’entrai enfin dans la librairie. Les pieds me faisaient mal d’avoir tant attendu. Au fond, Amélie Nothomb, vêtue d’une superbe robe noire à motifs, reconnaissaient ses lecteurs et les prenaient dans ses bras. Elle posait aussi pour des photos. Un verre de champagne à moitié plein, jamais touché, trônait sur sa table.

Au total, j’attendis près de cinq heures pour pouvoir lui parler. Enfin ce fut mon tour : elle me fit venir d’un signe de tête.

« Permettez-moi de vous dire que vous êtes très belle, commençai-je. Votre robe vous va très bien. J’espère que vous ne croirez plus jamais votre grand-mère. 

-Elle est morte désormais. C’est l’héritage qu’elle m’a laissé. »

En effet, la grand-mère d’Amélie a traumatisé cette dernière enfant en la traitant de laide. Et Amélie avait une fois dit en conférence qu’elle se détestait physiquement. Elle semblait donc surprise de mes propos.

« Qui êtes-vous, belle mademoiselle ?

-Je m’appelle Marie-Eléonore. Je vous ai envoyé un livre, La Boite à révolutions.

-Je vous ai déjà dit ce que j’en pensais.

-Oui, et après vous m’avez invitée avec ce carton. Je ne suis pas venue à votre séance de dédicaces depuis 2017.

-Je me souviens de vous.

-Quoi ? Vous vous souvenez de moi ??

-Oui. Alors, d’où vient votre nom de plume ?

-Eh bien, quand j’avais vingt ans, j’écoutais un disque de rap. Ce n’est pas mon genre de musique, je n’aime pas trop mais j’appréciai assez le disque, je pris les lettres rap, les mélangeai et cela donna Pra.

-C’est très drôle. Vous avez un sens de l’humour hors-du-commun Marie-Eléonore. Puis-je signer avec votre prénom d’écrivain sur la première page ? »

Je ne sais plus à quel moment elle me dit que ma robe verte m’allait aussi très bien, et elle me conseilla de ne jamais révéler mon âge : « On ne vous croirait pas ».

« J’aime beaucoup vos nouvelles, repris-je, et il y en a une que je ne trouve nulle part, j’ai cherché partout sur Internet.

-Laquelle est-ce ?

-Les Champignons de Paris.

-Eh bien, vous allez me redonner votre adresse et je vais demander à quelqu’un chez mon éditeur pour qu’il vous en envoie des copies.

-Oh merci ! »

Je fondis de reconnaissance. J’avais déjà rêvé qu’elle ferait ce geste, mais je n’y avais évidemment jamais cru. Elle allait au-delà de mes attentes.

« J’ai quelque chose pour vous, osai-je enfin. Il y a une enveloppe à l’intérieur avec mon nom et mon adresse. C’est le journal intime que j’ai tenu pendant mon adolescence, et que j’ai fait publier.

-Mais, pourquoi avez-vous mis un timbre ?

-Dans le cas où vous souhaiteriez me répondre ! Et je voulais vous présenter mes excuses. Dans mon journal à un moment je parle de vous et j’émets des réserves sur vos livres.

-Pas grave ! » répondit-elle fermement.

Le moment était venu de se séparer. Il restait une queue pour jusqu’à une heure du matin, peut-être plus.

« Je me mets rapidement en contact avec vous, Marie-Eléonore !

-Et moi j’attends votre prochain super livre », fis-je, les deux pouces levés.

Dans le métro, je découvris la petite dédicace qu’Amélie avait laissée. Elle y témoignait avec sobriété de l’émotion que suscitait notre rencontre.

Or l’histoire ne s’arrête pas là ! Deux jours plus tard, en ouvrant ma boite aux lettres, je tombe sur l’enveloppe que j’avais léguée à Amélie Nothomb. Surprise. Que fait-elle là ? Elle m’aurait déjà écrit ?

Je découvre en ouvrant l’enveloppe que le lendemain de notre rencontre, en une journée et alors que de nouvelles dédicaces l’attendaient, l’écrivain a lu les deux-cent-cinquante-deux pages de mon Journal d’une adolescente. Le livre lui a arraché des larmes. Elle avoue qu’elle me comprend très profondément. Elle trouve ce texte bouleversant, me remercie et me félicite. C’est la plus belle preuve de reconnaissance qu’on ait jamais pu me donner. Moi, artiste repoussée par les éditeurs et la critique, à laquelle on ne répond jamais, je reçois ce petit mot adorable d’une grande écrivain. Elle n’est pas seulement douée, elle est humaine entre toutes.

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