CASSURE

CASSURE

 

 

 

Il y a bientôt six ans, lors d’un stage en secrétariat, j’assistai à une exposition de peintures qui se tenait à Versailles. Il n’y avait personne dans la salle où étaient assis un homme et une femme.

L’homme avait affiché des dizaines de tableaux d’une grande médiocrité représentant Napoléon ; quant à la femme, elle retint mon admiration. Nous eûmes un moment de discussion devant ses compositions. Dotées de belles couleurs, elles recélaient parfois un grand charme, comme Le guetteur, tableau représentant un petit chat regardant… regardant quoi ? Je n’en ai plus le souvenir exact. Une œuvre de taille moyenne attira mon regard : serti dans un cadre, il s’agissait d’une œuvre abstraite avec des lignes claires se heurtant sur fond brun, avec des petites nuances très subtiles de bleu et des déclinaisons de couleurs secondaires. Ce tableau s’appelait Cassure. Je fus séduite. Elle me le proposa à seulement vingt euros ! Comment ne pas accepter ?

« Elle veut se débarrasser de ses tableaux », me murmura l’homme très sérieusement. Je crus que malgré son talent elle était dépressive et éprouvai une grande compassion.

Cassure trône depuis sur le mur de ma salle à manger. Je regarde avec sympathie ce joli tableau qui ne m’encombre pas.  J’ai aussi collé au mur la carte avec le nom de l’artiste : « Chantal Thedrel Vandamme ». Une recherche internet récente me confirme qu’elle n’a pas son nom sur une galerie virtuelle. D’autant plus difficile pour être reconnue. Que se passe-t-il ? J’ai ses coordonnées, je prends le combiné et j’ose l’appeler, six ans plus tard.

Son mari me répond. Je me présente. Il me dit qu’hélas elle ne fait plus de peinture. Suite à un accident de trottinette qui lui a abîmé le bras. « Vous souhaitez que je vous la passe ? » me propose-t-il.

Quand j’ai Chantal au téléphone, je suis séduite par son entrain, sa jovialité, sa bonne humeur. Elle se souvient de moi ! « Nous avions eu un moment privilégié ! » Nous évoquons un peu ses tableaux. Elle me confesse que ne plus peindre lui manque terriblement. Elle ne peut tenter avec le bras gauche car celui-ci, du fait du déséquilibre du corps, lui fait mal aussi. Puis, elle s’enquiert de moi.

En écrivant cette petite chronique, je ne tenais pas à faire preuve d’indiscrétion mais à révéler le nom d’une artiste de talent. Ses tableaux dispersés ont sans doute déjà fait la joie d’autres collectionneurs. Je souhaite à chacun de garder dans son cœur un peu du bonheur que constitue un moment d’échange autour d’une œuvre.

 

 

 

Cassure

 

 

Ajouter un commentaire

Anti-spam