LE DECONFINEMENT
Un jour où je m’étais péniblement levée à midi, ma chatte Caramel qui parlait, étendue sur la table, me dit : « Réveille-toi donc ! » Son mode impératif me manque, car je n’arrive plus à me réveiller. Le confinement m’a donné des habitudes de lever tardif.
Le monde est en voie de déconfinement. Je n’en reviens pas de l’énergie du soleil et des gens qui vont désormais tambour battant. Dans les rues, même en zone rouge, c’est un bouquet de voitures et de monde. Les vitrines sont ouvertes, ce qui me fait l’effet d’une distribution de cadeaux. Habituée à me réfréner, je n’achète quasiment plus rien, là où je rêve et voudrais tout prendre.
Les bruits n’arrêtent plus, et c’est une merveille quand mon oreille parvient à récolter le chant d’un oiseau. Je prise plus que tout ce dernier : les parcs et jardins sont fermés… J’en fait le tour comme une paysanne assoiffée qui lècherait la pierre d’une fontaine sèche. Je rêve de m’asseoir à côté des buissons, près d’un parterre de fleurs en regardant les enfants jouer, sous le halo du soleil.
Les habitudes du confinement, patiemment déposées, sont longues à partir. C’est seulement hier que j’ai repris les transports. Le tramway parisien. Cette ballade a été sensationnelle comme si je partais à l’étranger. Aller dans un grand magasin m’a fait tout drôle. Puis, avec mon ami, nous sommes passés dans un restaurant pour prendre une commande. Le temps qu’il nous a été donné d’attendre la préparation du plat, sur une table couverte d’une nappe en papier, m’a fait rêver à l’époque révolue où manger dans ces endroits sociaux et raffinés était ordinaire.
Car c’est bien de cela dont je rêve : de restaurants, de cafés, de parcs, de cinémas, de musées… De tout ce qui est fermé. J’en ai une envie folle depuis des semaines, depuis le début du confinement. C’est la vie sociale dans ce qu’elle a de plus réussi, la porte ouverte du rêve. Le délassement, loin de l’affirmation sévère du travail et des soucis.
Ces temps viendront, et les grandes vacances avec. Alors je partirai de ce lieu clos où il m’a été donné de revoir sans arrêt les mêmes murs et les mêmes idées. De ce cafard qui me prenait tous les soirs à partir de dix-neuf heures. L’étrangeté de ce début d’année n’aura échappé à personne. Puisse la vie libre me rappeler à elle !