LA FIN DE MICHEL ONFRAY
Michel Onfray est mort.
Depuis longtemps, j'éprouvais un grand plaisir à lui écrire, bonheur mensuel et que je pensais partagé à l'ouverture de l'enveloppe.
Hier, dans un cinéma du dix-septième arrondissement, Michel Onfray dédicaçait ses livres après la projection d'un film le concernant. Il fut brillant, laissant à tous un mot de plaisanterie et même à moi, qui fut lésée jadis.
"Vous avez vu monsieur Onfray, lui dis-je, il y a un roman qui s'appelle Centre dans lequel Philippe Sollers vous a pseudonymé ! Sous le nom de Toupet.... Vous en avez pensé quoi ?...
-Oh rien, je m'en moque de lui, il est mort."
Et il signait rendant le rire et la politesse à tout le monde.
Michel Onfray passe pour être un monsieur très aimé en conférence car tout un monde le sert : admirateurs, rangées de flatteurs, gens des médias, artistes réputés, éditeurs. Il est une machine de travail parfaitement rôdée, d'une efficacité conceptuelle incroyable. Cela lui permet d'évoluer dans son monde où tout est bien, où il peut parler comme il l'entend, un monde avec ses gentils et ses méchants, ses tracés tout délimités, ses rieurs et ses mêmes sempiternels souvenirs qu'on ressert à chaque conférence.
Je marchai après lui pour lui poser la question qui ardrait ma langue :
"Monsieur Onfray, pardon de vous harceler... Je m'appelle Marie-Eléonore C...
-Oui, je vous avais reconnue.
-Quoi, vous me reconnaissez ?
-Oui.
-Et... vous avez mes courriers ?
-Je les ai... hélas !"
Et je m'écriai, tandis qu'il s'éloignait :
"Oh non, c'est pas vrai !"
Ainsi était la cruelle vérité. Jamais mes lettres, rédigées avec tant d'enthousiasme et de bonheur, n'avaient plu à Michel Onfray. J'ignore pourquoi. Quand une personne vous plaît et que vous vous sentez proche d'elle, vous imaginez qu'elle vous aimera bien. C'est très humiliant de découvrir que vous êtes un bênet. Que non seulement la personne ne répond pas "parce qu'elle n'a pas le temps", version que vous aviez à coeur, mais qu'en plus vous êtes une importune.
Et ainsi Michel Onfray mourut.