Facebook : comment être bisounours ?

FACEBOOK : COMMENT ETRE BISOUNOURS ?

 

                                                               « A la fenêtre de l’hôpital se réchauffent des convalescents »

                                                    Gorg Trakl, Psaume.

 

Comme beaucoup de citoyens dans le monde, j’ai mon compte Facebook, et j’y passe même un temps considérable.

Facebook est un réseau social qui se veut convivial. En effet, vous y répertoriez des « amis ». Vous pouvez « liker » des publications mais jamais dire « je n’aime pas ». Le positif est donc à mettre en avant.

J’ai sur mon compte plus de deux-mille-deux-cents amis. J’ai accepté toutes sortes de gens sans même vérifier leur identité. On pourrait me le reprocher. Cependant, cette goinfrerie s’explique par une période aigue de solitude, il y a trois ans, où, ne me sentant aimée par personne, je postais des choses dans l’indifférence totale de mes rares contacts.

Plusieurs noms reviennent très régulièrement dans les commentaires et cela m’a permis d’établir avec nombre d’amis virtuels une relation fondée sur la régularité, la revoyure et l’affection. Les amis virtuels réchauffent, divertissent, consolent, amusent. Ils méritent des réponses, des retours, mais nous apportent facilement les leur en échange.

J’ai cependant noté qu’il fallait rester bisounours avec les gens. Lorsque je poste une vidéo sur les chats, les chiens, les vedettes de cinéma, les dessins animés ou les beaux paysages, tout va bien. Ce sont des choses qui fédèrent les gens, les rassemblent, leur permettent de penser que la vie est simple et belle. Mais, les rares fois où j’ai dû m’exprimer sur des sujets à caractère politique, j’ai aussitôt eu un conflit. J’ai même été victime d’un lynchage en règle pour avoir relevé une faute d’orthographe sur une image. Cela m’a fragilisée, m’a fait pleurer. Je suis très sensible à la violence des mots et je trouve qu’il y en a plein sur ces réseaux sociaux dès que l’on sort du bisounours.

Comment être bisounours ? Avec mon éthique, c’est une question que je me pose. La majorité de mes contacts sont des pays arabes. Mes correspondants sont souvent des êtres pleins de sensibilité et de galanterie. J’ai bien vu cependant qu’avec mon meilleur ami virtuel, nous n’avions pas le même point de vue sur les caricatures de Mahomet. D’autres semblent hyper-sensibles au sort des Palestiniens. D’autres encore ont une vision déformée de l’histoire, pleine d’extrapolations qui mènent à des ressentiments vis-à-vis de l’Occident. Il faut une grande culture ou un grand recul pour gérer tout cela, et des hommes parmi mes contacts y ont déjà travaillé, en répondant à ma place.

Dans un espace bisounours, je crois qu’il faut toujours tenir compte de la peur de l’autre, et y répondre. Ne pas pratiquer le déni. Mettre un « like » pour un paragraphe apaisé. Ensuite, faire très simple. Dire par exemple que juifs et musulmans sont frères, du fait de la ressemblance entre leur religion et de leur imbrication historique. Quand quelqu’un qui vous a agressé dit qu’il rend les armes et renonce à vous poursuivre, ne pas hésiter à mettre un « like » sur cet aveu pour signaler que vous appréciez cette clôture du débat. Ces instants de précipice seront rares car, avec la mentalité qui est la nôtre, le but est plutôt de nous faire des amis.

Une amie, de chair et d’os celle-là, m’a conseillé de ne plus rien poster sur Facebook… Certains d’entre nous estiment que les réseaux sociaux sont des mangeurs d’intimité. C’est un préjugé courant chez ceux qui ne les utilisent pas. L’intimité est une chose tellement plus vaste ! Grâce à Facebook, nous pouvons nous faire plaisir en pensant d’abord à faire plaisir aux autres, en partageant nos centres d’intérêts de loisirs et d’esthétique. L’offrande comme mode de communication doit être privilégiée, et non le fait d’imposer. Communiquer pour enjoliver la vision du monde, non pour débattre, chercher à convaincre, ou enlaidir. Car Facebook a peut-être l’espoir de devenir un jour, un des creusets de l’amitié entre les peuples.

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