LA PEINTRE DES CORPS
Anne Procoudine-Gorsky
Je passais hier dans un village
Les roses et les verts y faisaient du feuillage
J’ai rencontré une peintresse
Brune longue fine et sans grand’ détresse
Elle avait affiché des nus
Sur de grands draps, dessous les nues
C’était de sanguines poitrines
Des pénis sépias et étreintes divines
Ces anatomies pures et classiques
Dévalaient sur les plis d’immenses draps
Il y avait dans la musique
De leur quatre bras
Une tendresse unique.
J’ai dit à l’artiste : vous me faites penser
A Ernest Pignon ; ces reliefs – vous connaissez ?
– Ah oui, dit-elle, reconnaissante et d’un abord aisé.
Je l’ai quittée, on s’est saluées.
J’ai appris ce matin que c’était une descendante
Des services artistiques du Tsar
Un bolchévique a lancé une lance
Sur son arrière-grand-mère, sur son arrière-grand-père,
La pointe est redescendue
Jusque sur elle.
Comme elle était sans mesquinerie, ce qui est rare
Dans l’Espèce Humaine,
J’en ai conclu qu’elle avait bossé
Sur l’Ame même.
(Août 2017, lors d’une exposition à Villy-en-Auxois)