NULLITE JOURNALISTIQUE
Notre appareil culturel aime à diffuser l’image d’un journalisme indépendant, courageux, capable de prises de position contraires à ce qui est majoritaire. Ce serait la raison d’être du journalisme.
Or, sur le sujet de la PMA pour toutes, c’est-à-dire de la PMA sans père, force est d’admettre que les intellectuels ont fait le désert.
Ils ont traité cette question comme une question à fuir, négligeable, ou s’y sont associés d’une seule voix. On peut se demander d’où est venu ce consensus qui n’est pas récent, qui n’est pas sorti de la seule tête d’un Président de la République inconscient, mais qui dure depuis à peu près quatre décennies.
La loi qui est votée actuellement, pour étendre le don de sperme aux femmes célibataires et aux couples d’homosexuelles, comme ce fut le cas jadis en Hollande et en Belgique, n’en est que l’aboutissement.
Il y a eu bien sûr quelques exceptions, comme le dossier du Nouvel Observateur : Ces ados qui grandissent sans père (1994), hebdomadaire qui a interviewé des adolescents, l’article railleur de la revue Panoramiques : la mal-pousse du sauvageon sans son bio-père, ou, plus récemment, les prises de position bioéthiques du journal d’écologie La décroissance. Des petits espaces ont toujours existé, qui ont permis aux gens sensibles à l’importance du père, de témoigner de leur résistance et de leur inquiétude. Mais, globalement, les opposants au projet de loi n’ont pas bénéficié de la possibilité de faire entendre leur voix dans la presse et les relais médiatiques, toujours plus pressés de servir les mères réelles ou potentielles.
Cela a toujours été la norme. Je certifie que, dans la presse familiale et féminine, les mères célibataires volontaires avaient leur colonne de défense depuis longtemps. Le couple incestueux qu’elles formaient à la vue de tous, dans ces pages, avec leur môme, appelait d’autant moins de répartie que l’enfant était toujours en très bas âge, souvent bébé. On n’a jamais autant prisé la niaiserie féminine dans un pays qui se targue de féminisme quand ça jette de l’encens.
Le ton de la norme a été donné par Le Monde, journal du consensus, dans un article de 1982, je crois, que je lus quand j’étais en classe préparatoire, et qui concluait en se demandant si ces mères allaient inventer une maternité étouffante, ou bien si elles étaient des pionnières…
Ça faisait toujours chic, d’avoir l’air de pionnières.
Ensuite, signe des temps, personne dans ces belles consciences du journalisme n’est venu chercher les enfants. Ou bien on n’en a pas trouvé. C’est peut-être difficile, de témoigner de soi une fois adulte.
On s’intéresse à la spécificité de la conception sans père, on délaisse le sujet dès que l’être se développe humainement. Signe de cynisme. La position objectale de l’enfant est toujours au cœur de pareils articles. Objet de revendications, de fantasmes, il n’est jamais capable d’une parole autonome. Il doit juste dire : « Maman je t’aime » ou : « Mamans, je vous aime. », car depuis la fin des années quatre-vingt-dix, on a étendu la question à celle de l’homoparentalité.
On peut s’étonner d’un vide éthique conséquent : que la France ait signé en 1989 la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et que personne parmi les éditorialistes, n’ait évoqué ce texte fondamental.... Un texte qui rend humaniste, optimiste et bon. Un texte dont ont besoin les parents en difficultés. Un texte censé inspirer nos lois. Entre autres points bien sûr, la responsabilité égale du père et de la mère en fait partie, la nécessité de garder des liens avec eux aussi, « dans la mesure du possible » –… et personne n’a jamais daigné en rendre compte dans les tonnes de pages consacrées à la maternité sans père – ou à la paternité sans mère… On vit dans un pays d’ignorants.
Pourquoi une telle permissivité ? Il serait bête de nier que, depuis cinquante ans, la grille de lecture sociétale est à gauche en France. Cela a permis l’installation de tout un réseau militant terroriste, l’habitude de contredire en bloc les défenseurs de la place du père avec un vocabulaire lourd, caricatural et pachydermique. Inutile d’y revenir… Tout ce qui importe, pour cette grille de lecture politique, est de servir les demandes des femmes et des minorités, sans aucun esprit critique.
Je ne me sens pas représentée par les médias. Moi, lectrice qui ai grandi sans père, et qui n’ai jamais pu me constituer normalement à cause de cela, j’ai toujours été décontenancée, et très inquiète pour ces enfants, d’entendre dire que cela n’avait aucune conséquence pour eux et qu’on pouvait leur faire presque toutes les entorses, comme à des rats quand on est un scientifique vicieux. Au bout de quarante ans, cette nullité intellectuelle donne la PMA pour toutes, dont l’intitulé se veut festif. Il n’y a pas de gouttelettes d’eau salée sans mer…