AKIRA, LA MUSIQUE
Parmi les musiques « qui changent », qui apportent une pierre nouvelle au monde des rêves, il en existe une qui relève, dans les classements, de la musique de film. Il s’agit de la bande son d’un dessin animé japonais fameux, Akira, produit en 1988. La bande originale du long métrage animé est cependant une véritable création artistique, utilisant les ressources de musiques du monde. Akira Symphonic Suite, album chanté par le collectif Geino Yamashirogumi, dure 69 minutes et 32 secondes. Ce disque somptueux compte dix morceaux.
Le premier, « Kaneda », est une magnifique musique destinée à provoquer une sensation d’excitation intense. L’auditeur est happé. Le bruit des motos, des coups de fouet, le jegog (instrument de percussion indonésien), les voix qui incantent à la vitesse accélérée, font de ce morceau un sommet.
On retrouve ce thème du motocycle mis en musique, de la course poursuite, dans le morceau dérangeant de la plage 2, qui met en scène un combat avec une technique africaine de respiration, et de façon un peu plus conventionnelle à la plage 8, au jegog et synthétiseur.
On peut aussi être sensible, dans l’ensemble du disque, au retour de thèmes éthérés, aériens, (plage 3, 5, 10), à la maîtrise d’une grande douceur rehaussée par les jeux sonores et les audaces formelles.
Le thème principal, la plage 4, « Tetsuo », réutilise les deux sons du Gamelan (percussion métallique d’Indonésie), et des syllabes sont scandées, ce qui donne à l’ensemble un sentiment de grandeur.
Les morceaux 6 et 7 sont étranges à l’oreille, très dérangeants ; il s’agit de chants de sectes bouddhistes dont l’un accompagne, dans le film, une mutation terrifiante.
La longue plage 9, « Illusion », commence comme un long morceau doux et mystérieux, puis se métamorphose en chant de théâtre Nô, aux accents comiques. Il s’agit d’un morceau interpellant, mais pas autant que le magnifique « Requiem » (14 minutes et 26 secondes), une composition à écouter dans le noir, seul chez soi, les yeux au plafond. Les mélodies latines, l’orgue, mais aussi le chant d’un Brahmane, le glissement d’un thème à un autre, la profondeur musicale, le caractère sacré de l’ensemble, dénotent une profonde spiritualité. Par sa diversité et les sensations qu’il suscite, le « Requiem » est un morceau qui trouble, émeut et retourne profondément.
J’ai découvert cet album par hasard quand j’avais douze ans ; ce fut mon premier cd, et mon premier disque de qualité, ma première approche de la grande musique. Il a représenté un passage initiatique. L’ensemble est cependant très original, car la bande son d’Akira marie en effet les influences d’Indonésie, de Bali, d’Afrique, du Japon, des pays bouddhistes et catholiques. Il est possible d’y trouver tout ce que l’on cherche, de la méditation, des sensations fortes, du sourire, du grandiose, de l’effroi. Je ne saurais que recommander ce disque, encore facilement commandable, à ceux qui veulent essayer l’aventure.