LE PASSAGE DU PRESIDENT

LE PASSAGE DU PRESIDENT

 

 

 

 

 

       Le 19 février, le Président de la République annonça à la radio qu’il viendrait se recueillir au Mémorial de la Shoah quelques heures plus tard. A l’improviste, je pus m’y rendre.

Le rendez-vous avec la foule avait été fixé à dix-huit heures et quart. Une petite meute de curieux s’était attroupée derrière une longue grille, elle-même séparée d’une largeur de rue d’une autre grille, derrière laquelle viendrait s’arrêter la voiture d’Emmanuel Macron.

Le temps passa ; il y eut de délicieux nuages roses. Au Mémorial, un arbre cachait l’inscription de la façade. Des enfants heureux restaient devant l’école.

Les journalistes de trois radios et télévisions étaient venus. Les voitures ne cessaient de défiler sans que ce ne fût jamais la bonne. Je demandai à ma voisine :

 « Est-il possible de visiter à cette heure-ci ?

-Oh non ! dit-elle, c’est fermé. Bien sûr, en temps ordinaire, vous pouvez venir au Mémorial avant dix-huit heures. Certains ici ont des souvenirs personnels… » A la fin elle passa près de moi et ne fut pas loin de m’embrasser sur la joue, je n’ai pas osé et j’ai posé mon poignet sur son bras, un peu. Elle avait peut-être de la famille au Mémorial, en tous cas c’était pour elle un lieu brûlant.

A un moment surgit une voiture noire. Une femme âgée conduisait et à ses côtés… Marine Le Pen, elle tenait à passer. Ce qu’elle fit dans un quasi-total anonymat.

Emmanuel Macron arriva avec une demi-heure de retard. Il descendit très vite et lestement de sa voiture noire, avec quatre personnes. Une forte lumière était braquée sur son visage blanc. Aussitôt, une femme dans la foule a hurlé :

« Monsieur le Président ! Venez me voir ! Je veux vous parler ! C’est inadmissible ! Monsieur le Président ! »

Elle avait l’air folle et dérangée. Les journalistes se pressèrent autour d’elle et lui tendirent des micros.

« Nous avons deux yeux, nous avons tous des dents, tous deux jambes, deux bras… »

Emmanuel Macron lui a lancé :

« Toi, Jacob ! »

Cette Jacob est connue à Paris ou sur les réseaux sociaux pour être une femme criarde et révoltée. Très vite, le regard du Président s’est posé sur moi. C’était un regard si direct, si torride, si pénétrant et foudroyant que subjuguée, intimidée, je descendis de la barrière où j’étais montée. Je portais une robe rouge, un gilet noir et des escarpins noirs. Emmanuel fut caché, évitant le couperet de la voix de l’autre femme qui criait encore. Il persista à ne pas lui parler. Puis il tourna de nouveau son regard sur moi : il était ahuri, vidé de toute expression. Je crus qu’il avait pris cette tête pour me rassurer. Il adressa la parole à un proche puis, tandis qu’il filait de profil au Mémorial, je montai sur la barrière de nouveau.

Entre-temps, la nuit était tombée.

Date de dernière mise à jour : 21/10/2019

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