LES GRANDS FILMS DE GENE TIERNEY

LES GRANDS FILMS DE GENE TIERNEY

 

 

 

 

Celle que le producteur Darryl Zanuck présentait comme « la plus belle femme de l’histoire du cinéma » reste une actrice de rêve au visage angélique et exotique, rarement égalé. Gene Tierney, né en 1920, morte en 1990, fait partie des références des cinéphiles. Charmante, ingénue, magnétique, éthérée, elle cumule les attributs qui mènent au superlatif.

Nous allons voir quels rôles ont façonné le visage de cette actrice d’exception. Comment, de simple premier rôle dans un western de qualité, elle est devenue un mythe cinématographique.

Après des apparitions au théâtre, à l’âge de vingt ans, Gene Tierney trouve un rôle dans le Retour de Frank James de Fritz Lang, avec le grand Henry Fonda. Le film, qui se déroule au dix-neuvième siècle, raconte la vengeance d’un homme, Frank James, qui veut retrouver les assassins de son frère et se retrouve emprisonné. Une journaliste, jeune ingénue humaniste, suit son procès : celle-ci est jouée par Gene Tierney qui, dans cette œuvre aux couleurs pâles, se révèle ravissante. Le film est extrêmement agréable à suivre et constitue une première réussite.

L’année suivante, en 1941, l’actrice va jouer le rôle principal dans un film en couleurs largement sous-estimé, La Reine des rebelles (Belle Starr). Non seulement l’intrigue est passionnante, parfois proche d’Autant en emporte le vent mais sur le mode du western, mais en plus Gene Tierney apparait dans toutes les scènes du film ; les nombreux gros plans magnifient sa beauté. Cette œuvre est décrite par des critiques comme le meilleur film de son réalisateur, Irving Cummings.

En 1941, Gene tourne aussi dans La Route au Tabac, de John Ford. Dans cette œuvre qui décrit la vie de paysans pauvres dégénérés, elle a un rôle plus secondaire et articule à peine. Je n’ai pas un souvenir mirobolant de ce film, mais il n’en reste pas moins considéré comme un classique. « Réalisé avec une aisance et une virtuosité typiquement fordiennes, ce film comporte des moments magiques d’une qualité rare, des plans et des scènes d’une grande beauté et merveilleusement photographiés, qui le rendent poétique » écrit Olivier Gamble dans le Guide des films.

La même année, Gene Tierney est en tête d’affiche dans Crépuscule, de Henry Hathaway. Elle interprète une princesse arabe (d’adoption), dans un désert d’Afrique. Il ne faut cependant pas se fier à cette tête d’affiche car dans les faits l’actrice n’apparait pas pendant de nombreuses minutes de cette pellicule qui reste un film d’hommes. Crépuscule n’en reste pas moins un film estimable, de qualité correcte, supérieur à d’autres films où l’actrice apparait pour les nécessités du casting sans revêtir la dimension mythique qui va devenir la sienne progressivement.

Mythique, en effet, Gene Tierney le devient à la fin de cette riche année 1941, avec la sortie de Shangaï (The Shangaï Gesture), un film de l’extravagant Joseph von Sternberg, qui n’obtiendra pas de succès aux Etats-Unis mais en Europe, si. Dans ce film magnifique, Gene est Popy, la fille droguée d’une tenancière de tripot, qui sera abattue par sa propre mère d’un coup de revolver. Dans la grande scène finale, le talent de Miss Tierney, qui avance en titubant, se révèle pleinement. Les décors sont baroques et exotiques comme dans toute œuvre de Sternberg ; l’atmosphère et les costumes transportent dans d’autres pays. The Shangaï Gesture est un chef-d’œuvre.

Début 1942, Gene obtient un rôle plus modeste dans Le Chevalier de la vengeance (Son of fury), de John Cromwell. Elle joue une indigène des Mers du Sud, dont le héros est amoureux. Dans ce classique du film d’aventures, où elle n’est qu’une présence fugitive, encore que centrale, elle est très belle, en maillot de bain, collier et couronnes de fleurs ; on la voit danser… Le film est apprécié des cinéphiles.

En 1943 c’est le retour des grands films avec Le Ciel peut attendre du célébrissime réalisateur Ernst Lubitsch, connu pour ses œuvres hédonistes et pétillantes comme du champagne. L’histoire raconte l’arrivée aux enfers d’un homme qui a péché toute sa vie : marié, il n’a cependant pas pu résister aux tentations féminines… Gene Tierney, qui joue la femme, fait preuve de d’autant plus de talent qu’elle interprète un personnage frais, jeune, puis une femme mûre, vieillissante, avec beaucoup de naturel et de crédibilité. Sans être le meilleur film de Lubitsch, Le Ciel peut attendre fait cependant partie des comédies marquantes de ces années-là.

L’année suivante, Gene Tierney va interpréter son film le plus célèbre, dans le rôle-titre de Laura (1944). Réalisé par Otto Preminger dans un somptueux noir et blanc, ce classique du film noir nous fait découvrir une femme qu’on croyait morte et qui revient à la vie, pour le plus grand étonnement du policier chargé d’enquêter sur son décès. Le suspense de la scène finale est remarquable. Ravissante dans ce rôle, avec ses emblématiques cheveux au carré, Gene n’a pourtant pas besoin de faire appel à un grand talent dramatique : elle se contente d’exister, de paraître, et elle emplit l’écran, avec sa beauté et sa présence magnétique, mythique.

En 1945, elle obtient sa première et seule nomination aux Oscars pour Péché mortel (Leave Her to Heaven) de John Stahl. C’est un excellent film, un polar psychologique sur une femme venimeuse, jalouse, prête à décimer autour d’elle les êtres chers à son mari, qu’elle ne veut pas partager. Plusieurs scènes fortes, une musique entêtante, des couleurs somptueuses sont les atouts de cette œuvre qui commence avec douceur et voit les indices, puis les accidents s’amplifier. Le visage de Gene Tierney, très mis en valeur par une caméra visiblement fascinée, n’a jamais été aussi beau, ni si envoûtant, malgré le mal qu’il dissimule.

L’année suivante, le grand réalisateur Joseph Mankiewicz fit son premier film et offrit un beau rôle à Gene Tierney. Dans Le Château du dragon (Dragonwyck), un film à costumes, elle est une jeune femme qui tente d’échapper à l’influence maléfique de son mari, qu’elle découvre peu à peu. Une ambiance onirique et inquiétante à souhait font de ce premier film une exceptionnelle réussite. En 1947, toujours avec Mankiewicz qui réalise L’Aventure de Madame Muir (The Ghost and Mrs. Muir), elle interprète Lucy, une jeune femme qui vient habiter avec sa fille dans une maison isolée, et y tombe amoureuse d’un fantôme. Plus encore que le film précédent, celui-ci réalise un miracle. Il s’agit probablement du meilleur, du plus beau film de Gene Tierney. La musique est envoûtante, la fin très émouvante et je ne suis jamais sortie de cette œuvre sans avoir envie de pleurer.

En 1949, Gene retrouve Otto Preminger pour Le Mystérieux Dr Korvo (Whirlpool). Elle y est une femme soignée pour kleptomanie. Durant son traitement, elle est hypnotisée, puis accusée de meurtre. Le fil de l’intrigue consiste à l’innocenter. Dans ce film noir, Gene joue avec talent une femme fragile et tourmentée. L’efficacité dramatique est présente et assure à l’œuvre de figurer parmi les meilleurs rôles de l’actrice.

En 1950, Gene Tierney figure dans Les Forbans de la nuit (Night and the City), réalisé par Jules Dassin. Gene a un rôle un peu sacrifié, secondaire, dans ce film sur le milieu du catch et de la pègre où le héros est d’avantage Richard Widmark, mais l’œuvre est si belle qu’elle vaut vraiment le détour, peu importe si notre actrice n’y est pas très présente. En effet, Les Forbans… est un véritable chef-d’œuvre, avec des moments coups de poing riches en émotion.

La même année, sort sur les écrans américains Mark Dixon détective (When the Sidewalk Ends), d’Otto Preminger toujours. Fils d’un gangster, Marx Dixon est détective. Il tue sans le vouloir un homme lors d’une poursuite et fait accuser le père d’une femme dont il va tomber amoureux. Si j’avoue ne pas avoir beaucoup adhéré à ce film lors du visionnage, et l’avoir trouvé un peu terne, je ne cacherai pas qu’il est considéré comme un classique et porté très haut par la majorité du public et de la critique. Gene y joue une figure attentive et positive.

Dans les années cinquante, Gene continue à tourner des films intéressants mais dont aucun ne peut se prévaloir de lui donner un grand rôle. On pourra faire une exception pour un petit film que je n’ai pas vu en entier, mais que j’aimerais mentionner, Close to my heart (1951) de William Keighley. Il est inédit en France et raconte l’histoire d’un couple qui, ayant adopté un enfant abandonné, découvre que ce dernier est le fils d’un assassin. Le but est de prouver que le mal n’est pas héréditaire… Fait notable, Gene Tierney disait dans son autobiographie que ce rôle de mère était le meilleur qu’elle ait joué depuis longtemps. En effet, une fois n’est pas coutume, elle apparait dans toutes les scènes du film et fait une prestation appréciable.

Gene Tierney va s’absenter du monde du cinéma plusieurs années, victime de troubles psychiques qui l’obligent à des internements en cliniques. En 1962, seul Otto Preminger prend le risque de tourner avec elle et lui offre un petit rôle dans Tempête à Washington (Advise and Consent), un grand film sur le monde de la politique et du Sénat. Ce sera la dernière apparition de l’actrice dans une œuvre de qualité… Sa carrière est terminée, elle regrette le monde hollywoodien d’autrefois.

Actrice mythique, Gene Tierney l’est d’abord par sa beauté qui la fait porter les films dans lesquels elle s’insère et parfois, les sublimer. Lorsqu’il s’agit de chefs-d’œuvre, elle se révèle inséparable de l’ensemble et son nom s’inscrit dans les annales du cinéma. Hors du temps, au-delà des modes, elle semble à la fois ingénue, donc vulnérable, et déifiée.

Date de dernière mise à jour : 24/11/2020

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