LES JOURNAUX INTIMES DE SHANNA BY

LES JOURNAUX INTIMES DE SHANNA BY

 

 

 

 

Shanna By (Sandra Fliss de son vrai nom) est une artiste ayant publié plusieurs livres, dont deux de ses journaux intimes, Journal d’une adolescente, cahiers de ses quinze ans, et Tourner les pages, éphéméride de ses vingt-et-un ans. J’ai lu avec un plaisir infini ces deux livres et c’est pourquoi j’aimerais vous rapporter quelques impressions de lecture.

Journal d’une adolescente commence comme un texte somme toute assez quelconque où la diariste énonce le nom de ses différents amis. Il ne faut pas, dans un premier temps, s’attendre à un témoignage poli, à une œuvre de littérature, avec le style d’un grand écrivain ; cependant, la passion d’écrire porte Shanna By et nous ne pouvons y rester insensibles.

« Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. J’ai quinze ans. Ma mère m’a offert ce que je réclamais depuis longtemps : une machine à écrire. J’en suis folle de joie car je n’ai pas d’autres ambitions dans la vie que de devenir chanteuse ou écrivain. Le bruit des touches sur le clavier me donne le frisson et des fourmillements au bout des doigts, c’est magique ! »

Dans son Journal, la jeune fille tient la chronique de ses amitiés, essentiellement masculines, et de ses nombreux flirts. Le lecteur découvre ces personnages, dont il ne connait que le nom, au fur et à mesure, et s’intéresse à leur existence.

Cette vie apparemment anodine d’adolescente recèle néanmoins un lourd passé : Roxane, une sœur chérie et disparue, et un père inconnu. « Ce mot « inconnu » trotte dans ma tête et ne me lâche pas. C’est comme si c’était moi qui étais inconnue, comme si je n’avais pas d’identité, comme si je n’existais pas. » Sandra a le sentiment que, sur ce chapitre, personne ne peut la comprendre. Son témoignage est d’autant plus précieux que très rares sont les autobiographies d’enfants nés de père inconnu. 

Sandra vit avec son petit frère Tom, sa mère, pour qui elle éprouve admiration, amour et respect, bien qu’il y ait peu de démonstration d’affection entre elles, et un beau-père avec qui les relations sont très tendues. Elle le surnomme « mon beaup » dans le Journal d’une adolescente, puis carrément « mon beauf » dans le volume suivant. En effet, elle a seize ans quand il la jette à la rue.

Un jour, dans un vieux carton, la jeune fille encore hébergée par sa famille trouve des photos et cartes de son père, ainsi qu’un article sur l’exposition de ce dernier, qui était artiste peintre. Elle garde précieusement ces documents avec elle, jusqu’à ce que sa grand-mère les détruise. On voit à cet incident comment les familles sont toujours, même actuellement, liguées contre les désirs des enfants illégitimes.

Dans Tourner les pages, Sandra devenue adulte insiste auprès d’un détective de commissariat pour que celui-ci entame une enquête sur son père. Le texte qu’elle rédige à l’occasion est un manifeste poignant et essentiel susceptible d’ébranler même les plus glacés des défenseurs de la PMA pour toutes :

La justice est mal faite. Les enfants qui portent le nom de leur père ont tous les droits, mais rien n’a été fait pour les enfants comme moi, les « bâtards », comme si la graine était venue toute seule dans le ventre de la mère ! (…) C’est terriblement injuste (…) Je voudrais tant avoir le regard d’un père posé sur moi ! Je l’ai imaginé tant de fois ! Pourquoi n’ai-je pas eu droit à ma part ? Enfant, j’ai toujours été sage, polie, disciplinée, qui ne pose pas de problèmes, et tout ça pour quoi ? Pour qu’on me mette à la porte sans raisons ! C’est sa faute si mes relations avec les hommes ont toujours été difficiles. (…) J’ai l’impression que plus le temps passe sans l’avoir retrouvé, et plus une partie de moi s’efface, comme si on me gommait peu à peu. Cette partie qui est dans le flou et qui pourtant fait partie de moi. C’est cinquante pour cent de mes gênes, avec ou sans nom de famille ! Même s’il ne veut jamais me voir, j’aimerais qu’il sache que je l’ai toujours cherché. On parle constamment des droits des enfants de divorcés, mais jamais de nous les bâtards, comme si nous n’existions pas ! Même les enfants adoptifs ont plus de droits que nous !

Cette quête, qui fait toute l’originalité du Journal, ne doit pas faire oublier la vie sociale et amoureuse extrêmement vive de la jeune diariste. Elle parle de son stage en maison de retraite, de sa formation à laquelle elle n’assiste pas trop, comme de son enthousiasme pour travailler au Club Med en Grèce. Au début de Tourner les pages, elle se sépare de Fred, avec qui, dès son adolescence, elle a vécu et passé plusieurs années de sa vie. Ses vieux démons refont surface et les noms de ses nouveaux amis ou amants traversent en avalanche ses écrits. Sensible, instable, elle nous permet de se mettre dans la peau d’une jeune fille qui change souvent de prétendants.

« Jean est toujours dans mes pensées. Je n’ai éprouvé aucun plaisir à faire l’amour avec lui, j’ai même eu très mal, et pourtant je donnerai tout pour être encore dans ses bras. »

Répertoire de ses amours, livre de confidences et d’introspections, ce Journal juvénile est un bel exemple de ce que des plumes à priori « ordinaires », ou plutôt peu connues, peuvent fournir. Ces deux livres nous poussent à l’empathie et à la découverte des autres. Sachez enfin que Sandra Fliss est une artiste et que de nombreuses vidéos d’elle sont disponibles sur Internet. Je ne peux que vous inciter à la découvrir.

 

 

SHANNA BY, Journal d’une adolescente et Tourner les pages sont trouvables sur la plateforme d’autoédition The BookEdition.com. Il n’est à ma connaissance pas possible de commander les livres en librairie.

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