MARIE BELGACEM ET LE SOUVENIR DES DENTELLIERES

MARIE BELGACEM ET LE SOUVENIR DES DENTELLIERES

 

 

 

 

 

       Marie Belgacem est passionnée de dentelles. Elle présente dans des cadres au joli fond des modèles de dentelles qu’elle a reproduits sur papier Japon, avec une technique qui n’appartient qu’à elle, et qu’elle a mis six mois pour maîtriser – six mois de travail à temps plein.

Mouchoirs, cols Berthe, portés par les bourgeoises et les aristocrates, coiffes paysannes : des modèles du XIXème siècle sont présentés à l’exposition « Papier à fleur de peau »[1]. Il s’agit donc de reproductions des vêtements qui touchaient la peau.

Avec son carré de cheveux roux, Marie possède une solide connaissance de cette époque des dentellières. Chaque village possédait son type de coiffe. Le dessin brodé permettait donc de reconnaître l’origine d’une femme quand elle quittait son village d’origine pour se marier. La dentelle était la carte d’identité des paysannes.

Le public, attiré par les arts de la minutie, apprécie les subtilités des régions et des techniques : « La différence entre la dentelle de Lorraine et celle de Châtellerault, commente Marie, c’est que pour la Lorraine il est utilisé trois fils et pour Châtellerault, en biais. – Ah oui, commente une visiteuse, il y a un côté incliné, un peu asymétrique. – J’aime quand c’est joli », reconnaît une autre.

Ces papiers Japon collés au mur, comme des tranches de gâteau fin, présentent certes un aspect sage, qui peut paraître très traditionnel ; en vérité, le propos de Marie Belgacem est autrement plus important.

Tout d’abord, il y a la fragilité des tissus, de la dentelle, et, paradoxalement, le caractère solide du papier, qui, précise Marie, « est là, tient encore pendant deux-cents ans ». Son art consiste à racheter, retrouver des modèles oubliés et à les restituer à la lumière du jour, non seulement pour les présenter au regard contemporain mais, aussi, pour les transmettre aux générations futures.

Enfin, il y a le désir de faire connaître le travail des dentelières. Pourquoi ? Ces femmes n’ont jamais été reconnues. Elles travaillaient chez elles, après leur journée au champ, ou en hiver quand il y avait moins de tâches à faire. Le travail était peu rémunéré. Les syndicats n’existaient pas. Elles commençaient de tisser vers cinq ans, auprès de leur mère, continuaient à l’école, et, à trente ans, n’y voyaient plus rien. Il existait environ quinze intermédiaires entre la dentelière et la grande bourgeoise qui portait ces modèles. Cette histoire, que Marie Belgacem raconte avec la précision d’une conférencière, trouve désormais un écho social, socialiste et féministe, chez la jeune artiste qui aime leur consacrer autant de temps. D’où l’importance de la parole, qui vient se greffer à l’art sage de l’aiguille pour rendre au passé sa vérité toujours actuelle : le travail des femmes niées mérite qu’il leur soit rendu justice.

 

 

L’artiste possède un site internet :

http://www.mariebelgacem.com/

 

[1] L’exposition se déroule du 21 septembre au 20 octobre 2019, à La Celle Saint-Cloud.

 

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