Famille

CONTRE-PAROLE

Par Le 12/10/2020

CONTRE-PAROLE

 

 

 

       J’ai connu ta mère quand j’étais enfant, un petit peu. Elle partageait la location d’une grande maison avec des amies. Je ne savais rien de toi, mais, à l’aube de l’adolescence, nous avons fait du karaté ensemble. Tu avais le teint blanc, l’air d’un petit gringalet souffreteux.

Thomas, quelques années plus tard, j’ai appelé une amie de ta mère. Elle m’a dit que tu avais de très gros problèmes d’identité. Que tu étais depuis ton plus jeune âge un gamin dur.

A son tour, ma mère a rencontré la tienne. Elle habitait, je crois, près de chez nous. « Je déménage, a dit ta mère. Thomas passe son temps à inviter des copains, tous les jours la maison est pleine et ils mettent le bazar partout. Je n’en peux plus. »

Au téléphone, l’amie de ta mère m’a tout raconté. Que ta mère ne t’avait jamais, durant l’enfance, parlé de ton père. Que tu lui téléphonais depuis peu, mais que c’était un homme marié et qu’il ne pouvait pas te recevoir, ce qui te faisait mal. Tous les soirs, ta mère devait aller te chercher au commissariat de police, car tu étais impliqué dans des affaires de drogue.

Statistiquement, tu as passé ton enfance seul avec ta mère, puis celle-ci a vécu en couple avec une femme, puis elles se sont séparées. Une cousine éloignée, qui a beaucoup minimisé ton mal-être, disait que tu avais l’air « un peu rebelle ». Tu étais entre la famille monoparentale et la famille homoparentale. Comme moi, tu as vécu cette absence de père comme un fléau. Je ne sais pas ce que cela aurait donné si tu en avais parlé en articulant.

J’écris cela pour apporter une contradiction à des discours diamétralement opposés, dont je connais l’influence. Il y a peu, les Inrockuptibles ont publié cinq ou six témoignages d’enfants de mères célibataires et de lesbiennes qui pètent tous la forme de grandir sans père, et qui se moquent comme d’une guigne du paternel. Les journalistes vont dans le même sens que ceux qui nous gouvernent, c’est une tendance que j’ai déjà noté. Je ne prétends pas que ces situations de bien-être et de réussite n’existent pas. Mais, pour ceux qui souffrent et ont souffert, la chape de silence est profonde. Ce n’est pas si normal.

Des mères célibataires, des parents proches des associations LGBT éduquent leurs enfants à ne pas sentir le manque, cela semble possible. Tout irait bien pour eux car on leur enseigne très tôt la différence entre géniteur et père !... Or, selon le dictionnaire, donc selon notre culture, les deux mots sont synonymes. Il y a donc, chez ces parents, une réécriture du sens qui fait de la filiation une fiction. Peut-on s’appuyer toute sa vie sur cela ? Le chemin qui mène à notre généalogie complète n’est-il pas plus profond ?

Plusieurs associations LGBT, terroristes, ont même été jusqu’à interdire, comme chacun le sait, une conférence de la philosophe Sylviane Agacinski, opposée aux dérives de la procréation médicalement assistée. Réactionnaire et homophobe Agacinski !... selon leur vision du monde, car eux sont progressistes et tolérants, c’est l’opinion de toute la presse de gauche ; on ne peut plus argumenter grand-chose !