FICHE MUSIQUE : Portrait de Kanako Wada

KANAKO WADA

 

 

 

 

 

Il existe très peu d’écrits sur Kanako Wada, chanteuse japonaise tombée en discrétion, dont la voix est unique : car il n’existe pas une voix sur terre qui ressemble à la sienne.

Il s’agit donc d’une exception qui ne doit pas au travail, ni à l’imitation, mais à la naissance. Cette voix est une possibilité dans un corps, qui a produit cette réalité une seule fois.

Née le 28 octobre 1961, à Toyonaka, elle a étudié la sculpture à l’Université des Beaux-Arts et de la musique de Tokyo. A cette époque, elle fonde un groupe, « Passing Through », qui deviendra le nom de sa première chanson commercialisée. Elle remporte le prix à la soirée musicale organisée par la compagnie de disques Toshiba Emi ; son premier « single » sort le 21 novembre 1985. Les cheveux raides, longs, elle ressemble à une mince adolescente en jeans et en chaussures fermées dont la chemise soignée promet un mélange de dynamisme et d’élégance.

 « Passing Through », dont le début musical se révèle typique des très bonnes chansons pop de ces années, au Japon, la révèle. Si l’instrumentation, de second plan, se signale par des percutions au synthétiseur, relances anodines, systémiques, la voix de la jeune interprète, assurée, régulière, s’envole facilement, avec une maturité étonnante. La couleur que l’oreille lui prête est le doré. Kanako Wada semble avoir l’haleine fraiche et porte très naturellement dans ses mots ce que le monde a de joli. Sexy, sensuel, habité par les petits matins, son timbre est une énergie souple, qui accompagne la danse et les déplacements.

Deux albums sortent : Tenderness (1986), Tempête calme (1987). Chaque disque contient neuf ou dix chansons.

Les années suivantes, la jeune femme bénéficiera parfois d’un usage subtil, « champagne », du synthétiseur, grâce à la création de sons doux, enchanteurs, comme des touches de couleurs impressionnistes, des harmonicas ou des grattements de cordes. Si beaucoup de ses titres ressortent de la variété, quelques unes de ses chansons sont inouïes. Elle parvient à enrouler sa voix autour de mélodies complexes.

En 1987, après Esquisse, elle est appelée pour contribuer à la bande originale d’un dessin animé, Kimagure Orange Road. C’est un public adolescent, plus jeune qu’elle, à qui elle doit destiner ses chansons : j’ignore quelles attentes les artistes prêtaient alors aux adolescents, mais ceux-ci semblent avoir été, non sans honte, le centre de la société japonaise ; la qualité et la personnalité musicales étaient, à leur égard, obligatoires.

Kanako Wada atteignit là un grand degré d’intensité et de beauté. Elle vendit deux millions et demi d’exemplaires par titre et sortit trois albums en un an : Vocu, puis Kana (1988), Dear (1989).

Aujourd’hui, quand elle cherche à renouer avec un public, elle se sent obligée d’évoquer Kimagure Orange Road, bien qu’insérer des « mangas » puisse paraître dévaluant.

Elle est auteure de ses chansons, et définit ces dernières, en ce qui concerne la maîtrise de leur rythme, comme de la samba[1] – reprise recherchée, aussi, par des chanteuses françaises contemporaines, telles que Pauline Croze ou Camille.

Très bonne en concert, les cheveux coupés, élégante, souriant de bonheur, il lui est reproché d’avoir, par exemple, un visage de professeur de lycée de campagne, dans les rares notes la concernant sur la Toile ; ou bien, elle ne possède pas un visage à la hauteur de sa voix ; tel semble l’esprit des critiques des hommes japonais.

Sortirent dans le commerce : Dessert ni hoshikuzu no jelly wo, et le mini-album Yakusoku no Eve (1990).

Après ces huit albums, en 1991, elle disparut de la scène[2]. Les raisons de ce départ ne sont plus clarifiées, si elles l’ont jamais été, étant donné la discrétion des médias japonais. Elle s’est mariée et a donné naissance à une fille. Elle a chanté en 2015 pour rendre hommage au compositeur Kunosuke Hamaguchi, dont l’histoire est intéressante.

La voix de Kanako Wada parvient à transcrire quelque chose de détendant, de transportant et de familier à la fois. Si les paroles sont dédiées à des sentiments amoureux, ou aux fleurs, comme le jasmin, la voix appelle, sans les dire, des images de la vie quotidienne – une fenêtre, une voiture, une tasse de café, un petit déjeuner, les sensations du matin ou de la promenade, la brise dans les arbres, un instant de fraicheur qui a ému, la lumière d’un couchant, toute cette sensibilité ténue qui s’attache à des gestes ordinaires, intimes, répétitifs, d’où naissent les sensations de nostalgie. Elle en fait un printemps. Une saison, toute une année de travail sont portées dans sa cadence. Comme les fleurs, dont l’odeur parlent du passé lointain, ses chansons évoquent au corps le passé proche.

En l’écoutant, l’Amérique Latine vient à l’esprit ; ceci fait que l’artiste approche du tragique, caractéristique hispanique, mais elle est plus douce. Un petit entrain lui cache le ciel – sauf dans quelques chansons très émouvantes, vibrantes – « Yakusoku no Eve », ou « Ano sola wo dakeshimete ». La voix de Kanako Wada purifie ; sa fraicheur est d’une étonnante authenticité : comme dans « Jenina », elle dessine une lumière claire et un souffle blanc d’une grande délicatesse.  

 

 

 

 

 

 


[1] Animeland n°8, décembre 1992, « Kimagure dans la bande-son », pages 41-42.

[2] « Kanako Wada, Golden Best » est une compilation de dix-sept chansons, sortie en 2006.

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