ROBERT CAPPADORO OU LA PLUME QUI TUE

ROBERT CAPPADORO OU LA PLUME QUI TUE

 

 

 

Cinéaste – il fut remarqué pour son court-métrage « Sibylle », primé et nominé aux Césars en 1980 – homme aux talents multiples, Robert Cappadoro est l’auteur de plusieurs romans dont le premier a été publié chez Librinova, Aucune gomme n’efface le manque. Pour ceux qui auraient encore des préjugés sur l’autoédition et la qualité des œuvres qui peuvent y naître, c’est l’occasion de revoir votre position.

Aucune gomme n’efface le manque est un roman dont on peut dire qu’il bénéficie d’une construction remarquable. Au départ, François Ponthil, un directeur de banque, perd sa fille et vient glisser dans son cercueil le téléphone portable de celle-ci, dans l’espoir de lui formuler une confession. Mais l’instrument est récupéré par une jeune employée du funérarium, Cindy, prête à tout pour se faire passer pour la fille de François. C’est le début d’une étonnante et imprévisible machination, dont le lecteur franchit les degrés avec une bonne dose de coopération, car le talent du narrateur sait ajuster les différents niveaux de langue aux personnages, introduire des dialogues, relancer l’intrigue tout en prenant pour noyau un des tabous de notre société : l’absence de père. Car la « méchante » Cindy est née de père inconnu, et prête à tout pour faire payer les hommes ou, c’est selon, apprivoiser l’absence. Alors que la plupart des romans évoquant ce sujet passent vite sur l’état d’esprit de leurs héros, comme si l’écrivain ignorait totalement ce que cela fait de grandir avec un père absent, Robert Cappadoro en fait le centre névralgique de son récit, ce qui motive les actes de plusieurs femmes devenues adultes.

La tragédie n’est jamais loin, notamment pour François Ponthil, héros déchiré de ce roman auquel le lecteur finira par s’attacher avec un pincement de cœur. La suite, à ne pas révéler, est très belle : on y découvre l’univers de la peinture figurative contemporaine, dans un style rehaussé par de passionnantes descriptions. Nul doute que ces passages intéresseront les peintres !

C’est une leçon de vie que nous donne, au final, ce roman haletant, dont on ne perd pas une miette. Comme le dit Robert Cappadoro, les écrivains ne sont pas tous là pour écrire des fins optimistes et rassurantes, la littérature est un espace où la nuance peut intervenir. Aucune gomme n’efface le manque prouve, avec ses personnages complexes, l’efficacité d’une littérature bien pensée.

 

CAPPADORO Robert, Aucune gomme n’efface le manque, Librinova, 2021.

Date de dernière mise à jour : 22/07/2024

Ajouter un commentaire

Anti-spam