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Pensez aux poules !
PENSEZ AUX POULES !
J’ai commandé sur la Toile trois paquets de gâteaux biologiques : des petits beurres au praliné, des fourrés aux figues, des spéculoos. Ils sont plus chers qu’un paquet ordinaire, ils mettent du temps pour arriver et il y a les frais d’envois. Pas une affaire pour le porte-monnaie. Mais j’y compte beaucoup.
Pourquoi ? Je viens de voir sur Internet des vidéos d’associations dites « activistes » sur les élevages des poules en batterie.
Certains élevages comptent des milliers de poules entassées dans de petites cages, où elles sont les unes sur les autres avec à peine la place de se mouvoir. Elles mangent en tendant le cou à travers les barreaux, et se déplument. Elles ne voient jamais la lumière du jour. Elles ne picorent pas au sol, ne profitent plus des éléments naturels. Tout, autour d’elles, est automatisé. Elles vivent au milieu de la cacophonie de leurs semblables, qui ne s’arrête jamais.
Ayant vécu l’enfermement à l’hôpital et le confinement, je n’ose même pas imaginer ce que doit être une vie en cage. Un enfermement sans répit. Une torture sans relâche. J’ose à peine me dire que chaque minute, chaque heure qui s’ajoutent sont une minute, une heure en trop dans la vie de ces petites poules. Que peuvent-elles faire ? Elles ne dorment que quatre heures par nuit. Que se passe-t-il dans leur longue vie infernale ? Car ces élevages industriels sont l’enfer. Elles n’en sortiront qu’au bout de plusieurs mois, pour aller à l’abattoir.
J’ai parlé de cela à un agriculteur, venu vendre ses produits locaux sur un marché à côté de chez moi. Il m’a dit :
« Mais les poules en cage ne sont pas forcément malheureuses ! Elles sont dix au mètre carré… Vous, vous êtes bien heureux, à Paris ? »
Qui est heureux en cage ? Qui est heureux entassé ? Je ne connais pas ce genre de bonheur dans le règne humain et animal.
« Les poules ont de la lumière, corrigea-t-il, on leur en met une forte car c’est la condition pour qu’elles pondent. Je me méfie des journalistes… Je suis agriculteur et je connais ces élevages, ce n’est pas si atroce que ça. Il devait y en avoir deux ou trois de déplumées, ce sont celles-là qu’ils ont filmées… Ce ne sont pas les barreaux, ce sont les poules qui se font ça elles-mêmes. »
Il pensait que l’élevage en batterie pouvait être résumé ainsi : « Il y a du pour et il y a du contre. Si vous choisissez l’élevage biologique, il faut accepter de payer les produits bien plus chers.
-Eh bien j’accepte », dis-je.
Je n’aime pas qu’on dise que tout se débat. Ce n’est souvent qu’une façon de masquer l’inhumanité d’un procédé. L’objectivité, c’est cinq minutes pour les Juifs et cinq minutes pour Hitler.
Le nœud de la discussion était ailleurs. « Il y a aussi des tomates élevées en rangs, reprit l’agriculteur… Et pourtant ça vit, ça respire… Les poules ne sont pas des créatures d’une grande intelligence ».
Voilà, parce que c’est bête, on se croit tout permis ! Pensez au bien-être des poules, par pitié ! Les animaux sont des créatures innocentes, et c’est ce qui rend particulièrement triste le mal qu’on leur fait.
« J’ai des poules, reprit l’agriculteur, elles ne sortent pas tant que cela. Elles préfèrent rester sous leur toit, c’est leur maison…
-C’est leur maison, pas leur prison », dis-je.
Les élevages industriels dans le monde s’apparentent à ce qu’un essayiste a décrit comme des « camps de concentration pour animaux ». On peut s’étonner qu’aucune législation ne regimbe à ce sujet. Seul signe d’altruisme, la volonté de plusieurs grandes marques de basculer du côté des élevages de plein air. Depuis 2019, Mac Donald n’utilise que des œufs de poules élevées en liberté, sur l’herbe. En 2021, c’est la marque Gerblé qui utilisera ce genre d’œufs. En effet, il faut savoir que l’immense majorité des gâteaux secs vendus dans les supermarchés sont faits à partir d’œufs de poules en batterie. Ce système représente 70 pour 100 de l’élevage en France.
Les œufs de poules élevées en plein air sont aisément reconnaissables : ce sont de petites boites en carton qui en font mention. Les œufs de poule en batterie sont souvent présentés dans des boitiers en plastique transparent et le chiffre « 3 » est tamponné sur la coquille.
Vous pouvez, de votre côté, choisir de ne pas subventionner financièrement l’élevage en batterie, en faisant attention. Evidemment, on ne peut pas tout contrôler et je n’ai pas encore demandé à un restaurateur quels œufs il utilisait pour me servir. Comme les êtres humains sont égoïstes quand il est question de leur petit bien-être !