RENCONTRE AVEC ALEXANDRE ROMANES

RENCONTRE AVEC ALEXANDRE ROMANES

 

 

 

Il y a quelques mois, je reçus dans mon téléphone un message surprenant : Alexandre, le directeur du Cirque tzigane Romanes, auteur de plusieurs livres et titulaire de la Légion d’Honneur, souhaitait prendre un café avec moi après avoir retrouvé ma « belle lettre », restée sans réponse, datée d’il y a quatre ans.

Nous nous vîmes donc pendant deux heures, et je ressentis face à lui ce qu’on ressent face à tout grand homme, une absence totale de lieux communs, de radicalités, de bêtise, une puissance d’émotion et une vaste culture.

Nous avons beaucoup échangé sur la poésie féminine. Lydie Dattas, qui est selon lui la plus grande poétesse de tous les temps, n’est pas assez connue ; il a offert ses livres à une trentaine de femmes, et toutes, à l’exception de deux, lui ont dit en retour de lecture : « C’est de la merde ».

« Jamais une femme ne reconnaîtra la supériorité d’une autre femme si celle-ci est en vie », en conclut-il.

Pour lui, l’homme est du côté de la guerre, du meurtre, de la violence. « Je suis du côté des femmes ». Il déplore que Marceline Desbordes-Valmore n’ait pas sa Pléiade.

Il porte avec lui le manuscrit d’un recueil de poésies, le plus beau qu’il ait jamais écrit, et qui sera le dernier, depuis quatre ans. Il a été exclu de Gallimard, où il avait vendu 25 000 exemplaires, et où il avait été introduit par Jean Grosjean, par le nouveau directeur littéraire qui ne publie que de la merde et lui a dit textuellement : « Alexandre, vous n’avez pas le niveau pour être chez Gallimard ». Il a une préface de Michel Onfray qui souligne le classicisme de son écriture, le comparant aux auteurs du Grand Siècle.

Je savais qu’il avait été amis avec Jean Genet et je lui demandai timidement si c’était vrai que ce dernier était antisémite.

« Pas du tout, m’affirma Alexandre. Je n’ai pas été sa danseuse, c’était un ami, et je ne l’ai jamais entendu tenir le moindre propos antisémite. Au contraire. Il disait des choses comme : Personne ne joue du violon comme Yehudi Menuhin ou Les femmes juives sont les plus belles. »

Il me résuma la jeunesse très dure du poète, bâtard et sans cesse renvoyé en prison, de sorte qu’il n’était pas extraordinaire qu’il en vînt à maudire la France dans sa jeunesse et à presque applaudir la chute du pays durant la Seconde Guerre Mondiale.

Je remarquai qu’Alexandre portait une petite croix dorée, il me dit qu’il allait à l’église tous les dimanches. Normalement, les Tsiganes doivent y joindre une étoile de David, car ils sont réputés descendre d’une mystérieuse tribu israélite venue d’Inde, mais lui n’y croit guère et s’en tient à ses racines chrétiennes.

Triste fait, on lui a volé sa chèvre et son adorable petit chien avec lequel il faisait ses spectacles. Quant à moi, j’ai beaucoup aimé notre entretien, mais j’ignore si je le reverrai. Comment être sûre qu’on a fait bon effet ?

Date de dernière mise à jour : 10/09/2025

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